Critique du film : « Arrête-moi si tu peux »
Le réalisateur de renom qu’est Steven Spielberg nous surprend une fois de plus avec un chef d’œuvre du Septième Art : « Arrête-moi si tu peux ». Ce film prenant s’inspire de l’incroyable et presque irréelle vie de Frank Abagnale Junior et de son autobiographie romancée Catch Me If You Can publiée en 1980. Incarné par l’illustre acteur Leonardo Dicaprio, Frank est un adolescent de 17 ans parfaitement intouchable tant ses escroqueries et manipulations lui rapportent gros. Le jeune homme à l’audace sans limite a une dette de 2,5 millions de dollars à cause de ses chèques falsifiés. Il ne prend pas conscience du danger qu’induit la vie qu’il a choisi d’emprunter en raison de la candeur de sa jeunesse. Il semble prendre les traits de ses vedettes cinématographiques favorites au bagout hors pair et s’extasie de vivre cette vie d’insouciance sans interdits.
L’adolescent derrière l’escroc hors pair
Frank Abagnale Junior est un jeune homme intelligent, arrogant et fin manipulateur, mais c’est en réalité un escroc candide au grand cœur qui cherche, dans sa quête d’argent, à poursuivre un destin tracé par son père qui est et restera durant sa vie, sa plus grande inspiration. À l’instar d’un enfant marchant dans les pas de ses parents, Frank emprunte, dans ses escroqueries les plus courantes, des techniques observées chez son père, tel que le coup du collier perdu pour séduire les femmes et l’art de savoir manier la parole pour embobiner. C’est ainsi qu’à tout juste seize ans, il parvient déjà à enfiler la première casquette de sa longue carrière de pirate des banques en se faisant passé, une semaine durant, pour le professeur remplaçant de sa classe de Français.
En dépit de son jeune âge, l’adolescent connaît toutes les ficelles de la fraude et le film nous offre une vue en avant-première de son évolution et de celle de ses escroqueries. Son pouvoir est sans limites et il jouit d’une vie d’homme intouchable et libre d’avoir tous ses rêves à portée de main. Même s’il se fait passer pour plus vieux qu’il ne l’est, sa jeunesse est régulièrement trahie par son impulsivité et son insouciance. C’est le portrait d’un garçon complexe que nous a offert Spielberg dans ce biopic émouvant.
« Arrête-moi si tu peux » se place, dès le titre à consonance enfantine, comme un film dramatique où la candeur du jeune escroc est mise en exergue pour faire ressortir une attitude puérile et juvénile derrière la brillante carrière de Frank Abagnale Junior. Ses manipulations sont plus des coups de théâtre, des tours de passe-passe grandioses et spectaculaires, les costumes qu’endossent Leonardo Dicaprio sont superbes grâce au réalisateur et s’apparentent, malgré leur beauté, à un enfant qui se déguise en ses personnages préférés.
Le manipulateur manipulable
Le jeune homme au bagout incomparable est ainsi très jeune. Il semble vivre à travers ses idoles de films. Il va même jusqu’à emprunter le nom de plume de son héros favori de bande dessinée Flash. Lorsqu’il apprend qu’on le surnomme « le James Bond des airs », il affiche une fierté candide, il est surexcité comme un enfant à l’idée d’être comparé à une star de cinéma.
Frank n’est pas motivé par l’argent, il ne cherche qu’à fuir sa situation familiale délicate entre les problèmes d’argent de son père et le divorce prononcé de ses parents bien-aimés. Il fuit une réalité trop sérieuse pour s’adonner à fond à une vie où il peut faire tout ce qui lui plaît et vivre ses rêves. Cette vie de criminel lui permet d’endosser des métiers de prestige, se faisant passer, toujours couronné de succès, pour un professionnel de renom. Pilote des airs, médecin, avocat, professeur… il se sent libre de faire et d’exercer tous les métiers qui peuvent lui apporter la reconnaissance de son père et le mérite d’être remarqué pour ce qu’il est capable de faire. Qu’importe s’il n’a pas les connaissances, il les apprendra sur le tas. Il n’a pas l’expérience pour exercer un tel métier ? Grand bien lui en fasse, il mentira, manipulera habilement et fraudera pour les acquérir. Cette arrogance et audace juvénile, lui ouvre toutes les portes pour lui tendre les bras vers un avenir libre et haut en couleur. Il mène cette vie de fraudeur criminel sans se soucier des lois et des interdits, à l’instar d’un enfant capricieux ou d’un adolescent en pleine crise existentielle. Car bien que cette crise d’adolescence soit illégale, dangereuse et chargée d’émotions en tout genre, Frank n’est qu’un jeune homme de 17 ans, très attaché à ses parents qu’il voit comme des modèles qui est en manque de reconnaissance et en grand besoin d’attention. Comme tout adolescent de son âge, il se fait passer pour plus vieux qu’il ne l’est et cela fonctionne la plupart du temps, l’amenant à séduire des femmes sublimes bien qu’exposées, bien malheureusement, comme stupides et naïves dans le film. Mais derrière ce masque de jeune homme, l’adolescent ressurgit souvent dans les moments les plus sombres du film, comme lorsqu’il apprend la mort de son père ou lorsqu’il se fait arrêter dans le jardin de sa mère.
L’alchimie du gendarme et du voleur
Carl Hanratty est un agent du FBI à l’assurance et au sérieux sans failles, mais qui a grand cœur et qui s’est profondément attaché au jeune criminel qu’il était contraint, par son métier, d’arrêter. Leur première rencontre est pour le moins comique puisque Frank réalise un coup de bluff grossier et délirant pour parvenir à s’enfuir. Il se fait passer pour un agent des forces de l’ordre qui vient d’arrêter le véritable criminel. Cette entrée en matière hors norme scelle le début d’un lien fort entre les deux hommes de talent.
Si l’on prend un malin plaisir à suivre le jeu, presqu’enfantin malgré la situation à risque, du chat et de la souris entre les deux protagonistes, le duo émouvant de Frank et de Carl rappelle par moment la relation d’un père et d’un fils. Malgré son devoir et sa vocation d’arrêter Frank pour ses crimes, Carl voit en cet adolescent à l’intelligence et l’audace folle, un jeune garçon perdu qui refuse de se faire aider et l’associe malgré lui à ses propres enfants. À de nombreuses reprises, en dépit de sa rudesse et de son sérieux apparents, on observe Carl éprouver de la sympathie et de la tendresse pour Frank. Il met tout en œuvre et use de tous ses pouvoirs pour éviter à Frank d’être blessé ou maltraité par les autorités, et va même jusqu’à parvenir à le faire sortir de prison après quatre années de bataille juridique pour qu’il rejoigne les rangs du FBI.